DES PETITS CAILLOUX, CHAPITRE VIII








           LES GALETS DU QUÉBEC




Québec, ou tout au moins la ville ancienne, ressemble à Saint-Malo : Mêmes remparts, même granit, mêmes toits. On y trouve pas mal de ruelles et de trottoirs qui sont pavés de galets : galets de lest venus sans doute des rives de l’Aunis ou de celles de la Bretagne. On en remplissait les cales des navires trop légèrement chargés. À La Rochelle aussi, il y a des voies qui sont pavées de galets, venus probablement de la « Nouvelle-France » ! –Dame, il fallait bien faire quelque chose, de ces galets !



Je ne sais trop ce qui m’a valu cette mission : En compagnie de six ou huit autres responsables de l’administration de l’Éducation Nationale, j’étais mis à la disposition du Ministère des Affaires Étrangères pour une durée d’un mois.

Nous allions au Québec pour sélectionner des professeurs candidats à un séjour d’une année dans les établissements scolaires français. Je suppose qu’au même moment, une équipe de responsables québécois  était chargée d’une mission semblable auprès des candidats français à un séjour au Québec … C’était en février.

Je suis content d’être allé au Québec … et je suis content d’y être allé en hiver. Disons le tout de suite cependant : Un mois de février tout entier au Québec, c’est long ! Je voudrais bien y retourner en automne : C’est si beau, le Québec en automne, sur les affiches et sur les photos ! … Tous ces érables roux, tous ces lacs !

L’arrivée à l’aéroport de Montréal : Tout un événement déjà ! nous passons sous le portique de sécurité … Pour moi, tout se passe bien. L’un de mes collègues, un petit courtaud et timide, portant moustache en balai-brosse, pose sa valise sur le tapis roulant : Déclenchement de toutes les sirènes d’alarme de l’aéroport … Affolant ! Surgit un essaim de policiers tombés de je ne sais où … Fouille complète de la valise. On se ratatine dans ces cas-là : Le collègue rentre sous terre.

Retour au calme : La police a trouvé l’arme redoutable responsable de toutes ces alarmes … Soulagement : Il ne s’agit que de ciseaux … Une inoffensive et minuscule paire de ciseaux à moustaches !




Québec : Où est la ville ? … Longues avenues … Les chasse-neige entretiennent les chaussées. On patauge dans la « schloss », c’est à dire dans une sorte de boue sale, grisâtre : Un amalgame de neige à demi fondue, de terre, de sel que l’on a répandu à profusion partout. Maisons et immeubles disséminés, un peu comme à Los Angelès : Ville construite à l’ère de la voiture automobile !

-« Il faudra vous acheter des caoutchoucs, si vous voulez sortir à pied ! »

Longues rangées de « caoutchoucs » le long des murs du vaste hall dans lequel nous avons pénétré à notre sortie de l’autobus …. Les « caoutchoucs » sont des sortes de sabots que l’on chausse par-dessus ses chaussures, afin que l’humidité et le sel n’abîment pas le cuir.  À la sortie, comment chacun retrouve-t-il les siens ? … ( Mais on les retrouve bien à la sortie des pagodes et des mosquées …)

Surprise ! On ne nous a pas conduits dans un hôtel : Nous voici  … C’est inattendu ! … Nous voici dans un couvent ! C’est l’époque du carnaval de Québec … Il n’y a plus une seule chambre libre dans les hôtels. Nous logerons au couvent !

Je dois dire que nous y sommes très bien : Longues galeries, un peu tristes, c’est vrai, austères du moins … Murs de granit. À travers les fenêtres à double vitrage, j’admire une tempête de neige. En quelques instants, tous les reliefs sont effacés dans le cloître d’où les rosiers sont invisibles. Je n’ai eu que juste le temps de les apercevoir. Je vous recommande, si vous avez la possibilité d’y accéder, le séjour dans un couvent québécois. Celui-ci fait profession d’accueillir les missionnaires lors de leur passage. C’est donc une véritable hôtellerie. Il est très calme, ce qui est bien le moins pour un couvent … Mais, de plus, la cuisine est délicieuse et abondante : Ah ! Ces tourtières ! Ah ! Ces darnes de saumon en sauce ! Rien à voir avec une cure de thalassothérapie ! Dans ces sauces onctueuses, dans ces parfums francs, je reconnais la cuisine de chez nous : Celle des fermes et des auberges d’autrefois, avant Michel Guérard et la « Nouvelle Cuisine » ! Allons, les cousins québécois ont su, de leurs coutumes originelles, conserver ce qu’il y avait de meilleur !



Première sortie : dans la « schloss », et avec des « caoutchoucs ». Je m’attendais à plus de froid encore. Je suis équipé : Bonnet de fourrure, chaussures de peau de phoque «  avec ses poils), un gros chandail, un vaste manteau. L’air est vif, piquant, mais je garde ouvert le manteau : Il fait moins vingt. Les gants sont précieux.

Nos déplacements à pied semblent incongrus, certainement : Personne ici ne se déplace à pied.  Les maisons et les immeubles sont surchauffés : On y vit en chemisette. On descend au garage par un escalier intérieur, on grimpe dans sa voiture, dont on met tout de suite le chauffage en marche et on pénètre par des accès souterrains jusqu’au cœur des centres commerciaux ou des immeubles de bureaux … Tout cela sans mettre le nez à l’air ! De temps à autre, parfois, il arrive qu’on soit obligé de dégager la porte du garage  à cause de la neige qui la bloque. Pour manier la pelle à neige, on doit bien chausser les « caoutchoucs » ! Il arrive aussi qu’une voiture ait passé la nuit dehors : Au matin, il faut alors une dépanneuse pour aider la batterie déficiente. Cependant, on ne marche pas à pied dans les rues. Or j’aime flâner le nez au vent et je flânerai … Le tout est de bien se souvenir du nom du couvent et de celui de l’avenue dans laquelle il se trouve, pour pouvoir revenir en autobus ou en taxi ! Cela semble curieux à un Français non averti : Ici, on énonce une adresse de façon abrégée : Vous allez vous rendre 1234, des Rosiers … Et non pas 1234, avenue ou rue des Rosiers. De plus, comme les artères sont très longues, il vous faudra préciser que vous vous rendez 12334, «des Rosiers Nord, des Rosiers Est, ou Ouest … Allons, ça y est : Ayant bien mémorisé l’adresse du couvent, je m’autorise à partir le nez en l’air.


Le Saint-Laurent, d’abord : On le voit de partout, large, majestueux, lent, calme, puissant. Par endroits, il est complètement gelé, pris par une banquise dont certains blocs se dressent vers le ciel. Aujourd’hui, c’est justement le jour de la course traditionnelle : À l’aviron, de lourdes barques en bois luttent dans la traversée du fleuve. Si j’avais su, je serais venu plus tôt jusqu’à l’esplanade du château Frontenac : Lorsque j’y arrive, les barques sont déjà loin. Les équipages souquent sur les avirons et, lorsqu’on rencontre une banquise, la barque y est hissée, puis l’équipage la pousse, la tire, la fait glisser sur la glace. C’est une belle bataille, qui commémore les luttes autrefois quotidiennes aux pionniers … On évoque Maria Chapdelaine ou, en d’autres lieux assez semblables, les ruées du Klondike …

Il a bien neigé : deux lourds chevaux de trait tirent un traîneau de bois à capote de cuir verni. Les promeneurs qui occupent les sièges sont couverts de fourrures, leurs genoux disparaissent sous les couvertures. Leur haleine produit de petits jets de buée blanche. Celle des chevaux est puissante. Le cocher est aussi couvert qu’un ours peut l’être de sa pelisse ! Les enfants patinent à qui mieux mieux, traçant des arabesques ou maniant la crosse de hockey.

Descendre l’avenue, tout droit … On domine les toits d’ardoise du quartier Saint-Jean, le plus ancien de la ville. Il borde les quais du Saint-Laurent : Réservons sa visite pour une autre fois …






Ce coup-ci, nous approchons de la vieille ville : Le vieux Québec. Les maisons sont de granit, les remparts aussi. Granit gris : On se croirait à Saint-Malo ! Échoppes et boutiques … Comme à Saint-Malo en saison touristique : On étale, on suspend, on entasse les gadgets : Fausses étoles ou ponchos soi-disant indiens, sculptures et fausses sculptures, sur bois, sur pierre, sur corne … «Arts des Inuits du Grand Nord », colliers, bijoux, amulettes. Bref, avec les échoppes, les bistrots et les fast-food : Comme au Mont-Saint-Michel et comme partout ailleurs. Dans le ciel très bleu passe un petit biplan traînant une longue banderole :

« Le steak à son meilleur, à La Calèche ».

On songe immédiatement – « Vocabulaire français, mais structure linguistique anglaise » … Ah ! Le poids des voisinages ! Mais la pensée elle-même est-elle encore française ?



Les Québécois sont les Québécois. Ils revendiquent leur culture, leur langue, et leur accent même … (« J’ai un accent, moi » ?). L’ensemble constitue leur mode d’expression propre : Celui d’un peuple américain original. « Maudits Français », dit-on encore, en pensant sans doute aux batailles de la Plaine d’Abraham et à l’abandon dans lequel la France a laissé les Canadiens de la « Nouvelle-France ».

Le Québécois a conservé, et utilise, des mots, des expressions, des locutions qui nous semblent désuets et charmants, surprenants parfois. On dit que le vin et les alcools distribués par des magasins d’état sont « dispendieux ». On jure en s’exclamant « Tabernacle » ! Mais la langue québécoise, si l’on veut bien considérer qu’elle est cousine de la nôtre, n’est en aucun cas considérée comme un Français abâtardi, ni même comme un Français « vieilli ». Ici, on parle français, pas le français de Paris, mais le français du Québec, qui est une langue aussi légitime , quant à son vocabulaire ou à ses structures que la langue actuelle du « Vieux Pays » … Cousins, oui, on le veut bien, mais ici, on n’est pas les « cousins paysans » !


On comprendra pourtant l’angoisse de ce peuple francophone entouré de tous côtés par une marée anglophone, laquelle, par le biais de puissantes influences économiques pourrait bien tout balayer si l’on devenait moins vigilant :

- «  Je vous dirai ce que je choisis sur votre carte lorsque vous voudrez bien vous adresser à moi en parlant français », disait un ami Québécois au serveur du restaurant.




Me voilà affublé depuis ce matin d’une compagnie dont je me passerais bien…
Certains en seraient honorés, peut-être ? … Madame Schliffery Inspectrice Générale de l’Éducation Nationale, Française, spécialiste des écoles maternelles, s’est jointe à notre mission avec tout son panache, sa faconde et sa verve : Elle est in-sup-portable ! Manteau de vison, toque de même … Elle s’est mis en tête de rapporter à sa fille une toque de renard argenté.  Et c’est sur moi, pauvre diable, qu’elle a jeté son dévolu pour l’accompagner dans ses recherches. Allez donc savoir pourquoi sur moi ! Nous passerons plusieurs journées à courir les magasins et boutiques pour chercher « la toque à Madame » ! Les magasins et les boutiques sont rassemblés dans d’immenses centres commerciaux … En février mille neuf cent soixante-quinze les galeries de la tour Montparnasse existent-elles déjà ? Les centres commerciaux québécois en sont l’image. : Séries de boutiques alignées dans des couloirs surchauffés : le carburant n’est pas dispendieux à Québec … On prononce par ailleurs « d’spendieux », tout comme on dira p’sine pour dire piscine : principe d’économie en linguistique … En ai-je parcouru des couloirs, à la recherche de la « toque en renard argenté pour la fille de Madame » !

-« Vous devriez aller chez le Chef Gros-Louis. »

Nous voilà partis chez le Chef Gros-Louis …

« À partir d’ici, vous pénétrez sur le territoire des Hurons ! »


Le Chef Gros-Louis est le chef des Hurons. On avait presque oublié qu’il pouvait exister des Hurons ailleurs que dans les romans de la Bibliothèque Verte et sur les écrans de cinéma … Si, si, ils existent encore, les Hurons ! Le Chef Gros-Louis tient boutique dans une baraque en bois, comme au bon vieux temps … Des Hurons ! Derrière le comptoir, il trône : L’ampleur de sa panse justifie l’attribut de son nom. Il arbore franges et plumes. Il vend les mêmes fausses fourrures et les mêmes fausses sculptures que celles qui sont en vente dans la vieille ville : Gadgets ! Mais il y a tout de même une peau d’ours blanc, très, très « d’spendieuse » car la chasse des plantigrades est interdite depuis longtemps. On trouve également des peaux de renards … Madame a trouvé  des toques en renard argenté ! Elle fait des mines et procède à des essais devant le miroir, lequel est accroché à la paroi entre deux paires de skis en bois et quelques paires de raquettes tressées. Pendant ce temps-là, moi, je prends l’air au dehors . La curiosité devrait être interdite sur le territoire des Hurons … Je suis curieux, que voulez-vous, je suis né comme ça ! Je fais le tour de la baraque en bois : Derrière, le Chef Gros-Louis cache sa Cadillac et, dans l’appentis voisin, je peux apercevoir le complet et le manteau qui remplaceront, l’heure venue, la tunique et les plumes … Désenchantement ! Je reviens dans la boutique : Madame a trouvé son bonheur !
Pendant qu’elle aligne ses dollars, le Chef Gros-Louis distribue des prospectus exposant les revendications du Peuple Huron … On croit rêver !

L’essentiel n’est-il pas que Madame Schliffery soit enfin satisfaite ? j’aurai, du reste, de la chance car elle disparaîtra le lendemain, aspirée par … « d’autres obligations ». Enfin libre !







Mais, place au travail pour lequel je suis venu : Il ne faut guère plus de dix minutes d’entretien avec un professeur québécois pour s’apercevoir que, s’il est volontaire pour partir en France pendant une année, c’est dans l’espoir de fuir la neige, la glace, pendant ce temps-là.

-     « Mon pays, c’est la neige … », chante Gilles Vigneau. Les Québécois sont très attachés à leur « Belle Province », mais … un hiver sans glace et sans neige !







Sortant de la vieille ville de Québec par je ne sais plus quelle porte fortifiée, je tombe sur une esplanade toute plate : On est occupé à l’édification de sculptures monumentales ;;; En glace ! Chaque année, à grands coups de jets d’eau aussitôt solidifiée, puis sculptée, on construit des chars et des palais, on dresse des personnages et des animaux fantastiques … qui fondront le printemps venu !
Je n’assisterai pas aux journées du carnaval car je dois partir vers d’autres villes. J’en verrai les prémisses : déambulations dans la neige. Un corps gît au beau milieu d’un champ de neige vierge, c’est un homme, jambes écartées, bras aussi. Il a la face dans la neige et … Il ronfle ! Donc il vit … On boit bien à Québec, les jours de carnaval ! La plupart des promeneurs sont équipés d’une canne en matière plastique, creuse … Souvent ils s’arrêtent, dévissent la poignée de leur canne et … s’envoient dans la gorge une large goulée de « caribou ». Le « caribou », c’est un mélange de vin rouge et de gin, en parties égales … Le caribou fait chanter, avant de faire tituber, puis de faire dormir … le nez dans la neige éventuellement !
Mais il ne fait que vingt-cinq degrés centigrades sous zéro ce jour-là : Pour ma part, je supporte encore, manteau ouvert sur mon pull marin.

Les chasse-neige font très bien leur travail : L’autoroute est parfaitement libre, qui nous conduit à Montréal. Nous longerons des champs de neige vierge, nous devinerons les forêts de sapins à leurs lisières : arbres aux branches brisées sous leur charge de neige … Des pendeloques de glace sont suspendues aux rameaux. Le givre brille sur les feuilles.

Immenses étendues, lassantes un peu : La neige recouvre tout, nivelle tout. Les cours d’eau sont pris dans les glaces, elles-mêmes recouvertes de neige,les lacs le sont tout autant, les collines semblent arasées par les accumulations de neige.  L’hiver, les campagnes québécoises sont monotones … Ah ! revenir un jour … Découvrir les herbages et les fleurs, découvrir les eaux vives et les eaux qui dorment ! Dans l’autobus, mais nous y sommes habitués maintenant, on a si chaud que l’on est obligé de tomber la veste.





Montréal … Ville étrange, égrenée au long des routes et des avenues, maisons basses, avec un ou deux étages seulement. Escaliers extérieurs pour accéder directement au premier étage, celui qui échappe à l’enneigement. Puis le centre ville : Une église dont le clocher a dû naguère paraître haut, puisqu’il dépassait les toits des maisons … Maintenant, elle se trouve encastrée en plein milieu d’un océan de gratte-ciel qui la font paraître minuscule. Nobles bâtiments un peu austères : On y conserve le souvenir des religieux et des religieuses qui firent ce pays : Murs de granit, fenêtres hautes à double vitrage. Nous logerons à l’hôtel … Dans le même hôtel que les joueurs d’une équipe de hockey sur glace qui bambocheront toute la nuit … Comment peut-on jouer un match le lendemain d’une semblable nuit ? Pour notre part, nous ne dormirons guère.  Cela m’aura du moins permis d’apprendre qu’il y aura le lendemain un match à ne pas manquer : Les « Canadiens » contre « Moscou » ! Il paraît que le match devrait être splendide et le stade est à deux pas : J’irai découvrir le hockey sur glace au « Forum ».

Je suis entré. J’ai dû rester debout derrière une balustrade qui m’arrivait à la poitrine. J’ai entendu … J’ai entendu crier, j’ai entendu chanter, j’ai entendu taper des mains, j’ai entendu taper des pieds. Il y avait aussi des sifflements, il y avait des hurlements. Tout en bas des gradins, au fond de l’arène, il y avait des géants bardés d’épaulettes, protégés par des cuirasses, des matelas, des casques … Ils étaient armés de crosses qui semblaient être de bois. Ils se battaient pour s’emparer d’un tout petit palet, lequel glissait, courait sur la glace. Le but des manoeuvres paraissait être de coincer l’adversaire, le plus violemment possible, pour l’envoyer valdinguer contre la rambarde. Le choc  produisait alors autant de bruit que l’abattage d’un arbre. On comprenait pourquoi les géants étaient cuirassés, casqués … Le public s’enflammait, se levait, chantait, agitait des drapeaux et des bannières. De temps à autre, l’arbitre devait estimer que le choc n’avait pas été loyal : Pour le punir, il envoyait alors le coupable « en prison » pour quelque temps … Le public sifflait.
L’étonnant, c’est qu’on se laisse prendre à tout cela : J’ai moi-même crié avec le public et j’ai tapé des pieds … Parfois, il arrivait que le palet finisse sa course au fond des buts … Mais était-ce bien là le but de toute cette agitation ?
Les « Canadiens » ont gagné  … Allons, nous aurons encore une nuit mémorable à notre hôtel !


Montréal, c’est aussi le parc du Mont-Royal, deviné, puisque lui aussi  nivelé par la couche de neige, mais on y voit beaucoup d’arbres dénudés et des douzaines de petits écureuils descendent jusqu’à vous pour quêter quelque subsistance.



Les églises sont baroques, lourdement ornées. Où sont-ils, ces fidèles que j’imaginais nombreux dans cette « Belle province » ?  Leurs rangs se sont taris, comme le nombre des enfants a diminué dans les familles. Il n’était pas rare autrefois de trouver des familles avec dix ou quinze enfants, elles n’en comptent maintenant guère plus de deux. Il est peut-être là, le danger le plus évident pour les Canadiens français : Leur société n’est plus en expansion démographique. On le sent bien, d’ailleurs, quand on visite des établissements scolaires : Les effectifs diminuent, le personnel se raidit devant les risques de fermetures de postes. J’avais cru le système scolaire canadien beaucoup plus souple que le nôtre. En fait, la souplesse n’existe que sur le papier. Les syndicats d’enseignants sont devenus très forts :

- «  Je ne peux pas vous recevoir, m’annonce un directeur d’école primaire : Le délégué syndical n’est pas là … »

Ma visite avait pourtant été annoncée par les services du Ministère.

Je traverserai toute la région du lac Saint-Jean, dont les élèves ne vont pas à l’école depuis quarante jours, à cause d’une grève des conducteurs d’autobus scolaires :Il n’y a donc pas que les enseignants qui soient inquiets ! Notons que tous les autobus de ramassage scolaire sont peints en jaune, leur apparence et la fréquence des mouvements de grève qui les paralyse les ont fait surnommer « Le Péril Jaune » !

Autre indice de l’évolution des mœurs québécoises : Tout au long des avenues, le nombre de sex-shops que l’on rencontre est incroyable ! À cette époque, me semble-t-il, il n’y en a pas autant en France.
Diminution du nombre d’enfants dans les familles, désertification des lieux de cultes, floraison des sex-shops … Maria Chapdelaine, où es-tu ?



Je recommande les steaks houses, les grillades sont excellentes et gargantuesques, les darnes de saumon aussi. Mais … si vous voulez un bon café, Il vous faudra, comme moi, arpenter toute la ville … Si, si ! J’ai fini par trouver un bar italien dans lequel on m’a servi un bon expresso ! Mais partout ailleurs, vous aurez droit à un liquide pâle, servi avec une cafetière en pyrex que l’on maintient au chaud tout au long du jour sur une plaque électrique !


L’emblème du Québec, c’est le drapeau à fleurs de lys. Son symbole, ce pourrait être le poêle en fonte : Vous savez, le poêle rond, chauffant au bois. On ne peut plus imaginer à notre époque ce qu’à pu comporter d’héroïsme la vie des premiers Canadiens : Maisons de rondins, fourrures et poêle à bois. Le poêle, c’est la survie de la famille et le trappeur solitaire, même, se déplace avec son poêle d’une cabane à l’autre, quand il va relever ses pièges.

Nous passerons à Trois-Rivières où se louent encore des cabanes plantées sur la glace du lac. Dans la cabane, il y a un poêle, et un trou a été creusé dans la glace épaisse pour que vous puissiez y tremper vos lignes. Traditionnellement, je crois qu’il est prudent d’apporter de quoi boire : Du sec, car il fait bigrement froid ! Il ne me sera pas donné d’aller à la pèche à Trois-Rivières, mais j’aurai l’occasion d’y aller sur le lac Saint-Jean, tout près de Chicoutimi.

… Chicoutimi … Inoubliable ! D’abord parce que l’autobus qui vous y conduit traverse des régions aux noms de rêve : Saguenay, Laurentides …
Et puis parce que, si vous avez la curiosité de consulter l’annuaire téléphonique, vous vous apercevrez que la totalité des habitants, en tout et pour tout, arborent trois ou quatre patronymes … Tellement de chez nous ! On les croirait sortis d’un roman paysan : Jolibois, Charlebois, Tremblay … Pourquoi faut-il que j’aie oublié les autres ? Ils chantent en ma mémoire profonde  qui les retrouve parfois.

Autre élément de poésie : Les panneaux de signalisation routière qui signalent le paisible passage de l’orignal, ce grand élan des immensités neigeuses dont on dit qu’il gratte le sol avec ses sabots pour trouver les mousses sous la neige.

- « Oh ! Ne croyez pas qu’il y en a tant que ça ! Je pense, me dit un ami québécois, qu’on a dû planter un poteau chaque fois qu’un orignal a traversé la route ! » … Pour ma part, je n’aurai pas la chance d’en apercevoir, mais cela ne fait rien : J’aurais pu apercevoir un orignal, vous vous rendez compte !


Les Laurentides ? C’est le massif montagneux que l’on fréquente pour ses stations de sports d’hiver : Je ne les apercevrai même pas : Chutes de neige limitant l’horizon, champs de neige qui recouvrent tout, nivellent tout : Plus de vallons, plus de rivières, plus de lacs, beaucoup de forêts de sapins dont on ne devine que l’orée, tranchée par la route. Mais où donc cultive-t-on le blé ? Où donc pâturent les troupeaux ?  On peut se poser des questions lorsqu’on sait la longueur des hivers. Ce pays, pourtant, produit du blé, produit du lait … Allons, l’homme a su s’adapter partout. Les érables, dont la feuille orne le drapeau canadien et dont les immensités, rousses en automne, embellissent les affiches des compagnies touristiques … Il me faudra revenir en une autre saison !




Lorsque j’arrive à Chicoutimi, la rivière est gelée, bien sûr : Le thermomètre est descendu jusqu’à moins quarante ! Moins vingt à Québec ou à Montréal, je supportais encore allègrement, mon manteau restait ouvert la plupart du temps sur mon pull marin … Mais moins quarante ! Je comprends que des enseignants québécois aient envie d’aller passer un an en Europe pour se réchauffer. Je comprends aussi pourquoi on rencontre tant de Canadiens, l’hiver, aux parages des Antilles ! Moi, je n’existe plus : J’ai relevé le col de mon manteau, j’ai rabatu les oreilles de ma chapska … Il n’y a plus que le bout de mon nez qui dépasse, et il gèlerait vite si je n’y prenais garde : Allons, rentrons le nez aussi ! Mais il faut bien respirer ! Quant aux doigts, heureusement que je porte des gants épais !

C’est à ce moment-là qu’à proximité, les pompiers chargent dans leur voiture le corps gelé d’un homme qui s’est fait surprendre, probablement en état d’ivresse, parmi les blocs de glace accumulés dans le lit de la rivière … Celui-là est arrivé au bout de son chemin.

Au même instant, et la conjonction des deux scènes produit un effet complètement surréaliste, mes yeux distinguent un restaurant, là, devant moi. Il est installé sous une énorme bulle de verre. Il neige, il gèle, mais les serveuses portent minijupes, vaquant entre les tables et les chaises dans une atmosphère manifestement surchauffée. Le spectacle évoque une sarabande. Il me paraît que ces serveuses en bas résilles ont plus de soixante ans  … Goya, es-tu là ? Pour ma part, je n’ai qu’une hâte : avaler un café bien chaud, même un café réchauffé !



Vous avez voulu voir comment se pratique la pèche sur le lac Saint-Jean, l’hiver ? Il fait toujours moins quarante. Vous vous sentez un peu engoncé dans les multiples épaisseurs de vos vêtements. La voiture tous terrains  s’engage sur la glace qui recouvre le lac : Pas de danger … Son épaisseur est de plus de deux mètres, on vous l’a dit  ! pas de cabanes ici, pas de poêles. Des gens creusent un trou dans le hurlement d’une tarière à moteur faisant plus de bruit encore qu’une tronçonneuse. Quand elle s’arrête, le silence reprend ses droits, le grand silence sur l’étendue toute blanche.

Chaque groupe de pêcheurs a creusé une demi-douzaine de trous. Au fond de chacun, on aperçoit l’eau libre, qui ne tarde pas à se recouvrir d’un voile de givre. On jette les lignes dans le trou, sans canne, et on les fixe à de petits bouts de bois dont la détente annoncera les prises. J’ai attendu longtemps. J’ai eu très froid. J’ai tapé du pied et j’ai claqué mes mains l’une contre l’autre … Je n’ai rien pris et mes compagnons non plus, mais … Je vous jure que ce n’est pas l’histoire de la chasse au Dahut ! C’est certain, on prend ainsi du poisson, parfois beaucoup de poisson, même des brochets … Gros comme ça ! … Il ne s’agit pas d’une farce à l’adresse de ces « Maudits Français » !





Retour par la route : Nous sommes allés presque jusqu’à la frontière des Etats-Unis, à Sherbrooke. De Sherbrooke, rien à dire, ou si peu de choses ! La neige tombait, tombait, tombait encore. Nous n’avons rien vu d’autre que les tourbillons de la neige malmenée par le vent. Le mois a passé, la mission se termine. Une anecdote encore, mais elle n’est pas à mon honneur et j’en suis encore un peu confus : Invité au restaurant par  les responsables de la Commission Scolaire, dans un restaurant choisi parmi les meilleurs, J’ôte mon manteau pour m’asseoir à table. Je ne porte pas de veston sous le manteau, seulement un pull … Vous êtes tellement engoncé avec tout ce qui vous recouvre !

- « Je vous demande pardon, Monsieur, me dit le maître d’hôtel, mais le veston est exigé dans la salle. »

Comment faire ? Mes hôtes se regardent, je les regarde … Essais pour parlementer … Le maître d’hôtel est inflexible. Je suis prêt à ressortir, le rouge m’étant monté aux joues, mais le maître d’hôtel m’apporte un veston : Le sien sans doute. Il me prie de l’enfiler. Mais il est  beaucoup moins gros que moi. Je prendrai mon repas en serrant les omoplates dans mon veston étriqué ! … Amis de Sherbrooke, en riez vous encore ?




Mais vous me demanderez peut-être ce que j’ai pensé du système scolaire québécois ?

    C’est vrai, j’ai visité beaucoup d’établissements scolaires. La mode était alors aux écoles à « aires ouvertes », et l’on réfléchissait à l’organisation du soutien pour les enfants en difficulté. On avait aussi équipé largement les établissements en récepteurs de télévision. D’autres recherches portaient sur les systèmes d’évaluation. 
Je me souviens que j’ai regagné mon pays en me disant que le système scolaire français, après tout, ne devait pas être si mauvais que cela ! Soit dit en toute amitié et sans esprit de critique : Quand on voyage, on s’aperçoit que tout le monde, dans tous les pays, cherche, cherche … Mais les pesanteurs ! Mais les utopies !












« À QUELQUE TEMPS DE LÀ, LE CALIFE ME FIT MANDER DE NOUVEAU POUR QUE JE LUI PRÉCISE LES CIRCONSTANCES DE MON VOYAGE ET LUI FOURNISSE QUELQUES DÉTAILS SUR LE ROYAUME DE SARANDIB … »


















LA PIERRE DE LAVE


L’ÎLOT  MATTHEW



Bob en rit encore : -« C’est la meilleure affaire de ma vie ! ».
Bob est Australien. Il tient boutique dans l’île de Tanna, au Vanuatu alors appelé « Les Nouvelles-Hébrides ». Il a acheté, de moitié avec un compère français un îlot du pacifique portant nom Matthew ( prononcer Matiou, comme il se doit !), un îlot tout entier, certes tout petit, certes très isolé … On ne voit pas très bien ce que l’on pourrait bien en faire … Mais c’était la meilleure affaire de sa vie parce que depuis, ce volcan ayant explosé, la superficie de l’îlot avait tout simplement doublé !

Au pied de ce volcan, on a scellé une plaque sur un rocher, plaque de cuivre, gravée. De temps en temps, un navire français se détourne vers ces parages pour confirmer le titre de possession national. Sans doute sonne-t-on du clairon, puis le rocher retourne à ses silences qu’interrompent épisodiquement les secousses telluriques et les grondements du Diable … Les oiseaux de mer en fréquentent les franges et les falaises. De rares arbrisseaux accrochent, leurs racines, tels des bonzaïs japonais , dans quelques anfractuosités.








Île de Tanna (Vanuatu)




Le volcan Yassour est le nombril du monde
Comme il se doit
De son cratère sont sorties
Toute matière et toute vie

Renâclements rugissements
Vomissements nuages noirs nuages gris
Des gloires de fusées dans la nuit
De temps à autre tremblements

Plaine de sable noir
Bombes chaudes encore
Le lac Siwi d’un vert léger
Ou jaune soufre

Fumerolles sources bouillantes
Un malheureux pandanus accroche ses griffes à la pente
Tout ici est sacré
Angoissante mesure de l’homme

L’autre nom de ce volcan est celui de Dieu
On ne le prononce pas.



L’îlot Clipperton, à l’autre bout du même océan, est un mince anneau de corail inhabité la plupart du temps. Il n’a été occupé que très épisodiquement par quelques solitaires un peu étranges vivant de noix de coco et de poissons grillés. Quelques savants personnages l’ont fréquenté également pendant de courtes périodes pour y étudier la faune, la flore, les courants marins ou la reproduction des coraux. Ils ont quitté les lieux dès que leur barbe fût devenue trop longue. On n’y entend que les vagues et le cri assez lamentable des oiseaux à l’occasion. Pendant longtemps cet atoll fut disputé, on ne sait trop pourquoi, entre le Mexique et la France. En mille neuf cent trente et un il fut, on ne sait trop pourquoi, attribué à la France, par arbitrage … Du Roi d’Italie !

Sur Clipperton aussi, on a scellé une plaque. Je crois bien qu’elle est également de cuivre. Là aussi, sans doute, à l’occasion du passage de quelque navire dépêché exprès, le clairon sonne, effrayant les fous et les sternes … Clipperton est administré … Par Tahiti !


L’histoire nous apprend ce que valent ces plaques gravées, ces monuments … Autant en arrache le temps ! Il semble que plus le titre de possession est contestable, plus impérative la volonté de l’attester. À Tahiti, on en trouve partout, des plaques gravées ! Histoire de faire ressortir les liens « indéfectibles » toujours, que l’on a voulu nouer et que l’on a voulu serrer le plus possible … Le temps les dénouera sans doute un jour ou l’autre, là comme ailleurs.

Rien que sur le quai de Papeete, on trouve un monument à la gloire de la France-Libre, on rencontre ensuite une plaque reproduisant le texte de la citation à l’ordre de l’armée française des « Poilus Tahitiens », puis une autre plaque encore, évoquant la citation des Combattants tahitiens de la seconde guerre mondiale. J’allais oublier le buste de Monsieur de Bougainville, trônant face à la Poste entre deux canons modernes. Entre ces plaques, les Chinois de Tahiti en ont scellé une autre commémorant l’arrivée de leurs premiers compatriotes : manière, encore, de rappeler ses droits. Le Monument aux Morts des Établissements Français d’Océanie n’est pas très éloigné de cela, arborant des noms polynésiens.

Dérision ? – Une plaque, scellée sur le mur d’un bistrot, rappelle qu’ « À l’étage au-dessus est mort un célèbre chanteur français », je crois qu’il s’agit de Jo Dassin.

Poussez jusqu’à la plage de la Pointe Vénus, on a gravé sur d’énormes troncs d’arbres les noms des « grands Navigateurs ». La dernière fois que je suis passé par là, je les ai cherchés en vain : Les a-t-on retirés ou bien ai-je mal cherché ?  Mais peut-être, aussi bien, le flot aura tout emporté au passage d’un cyclone … Ces choses-là arrivent parfois ! Les troncs gravés seraient partis avant que le temps ne les enlève ? … Prophétie ? … Une plaque existait également à la Pointe Vénus, tout près du phare … Elle commémorait l’observation du passage de la planète Vénus par le Capitaine Cook … Elle aussi a disparu … Ou bien elle est revenue depuis ?

Les plaques gravées se fendent ou s’arrachent. Les grands hommes trébuchent et passent. Les drapeaux changent, les sonneries des clairons s’éteignent … C’est le temps qui finit toujours par avoir raison, le temps et l’océan !















EN GUISE DE CONCLUSION


… MAIS Y A-T-IL UNE CONCLUSION À UNE VIE ? – MÊME LES MORTS SONT

VIVANTS !








J’aurais pu, j’aurais dû, si j’avais voulu être complet, parler plus encore du Maroc et de l’Algérie, mais je le ferai peut-être ailleurs, un jour …

J’aurais pu parler plus du Congo, mais je n’en ai guère vu que Brazzaville et son fleuve, en une période « animée » … Évidemment, j’aurais pu dire les Russes qui demeuraient dans le même immeuble que moi, leurs chants puissants, tard dans la nuit, les rangées de bouteilles de vodka vides, dans l’escalier et devant les portes, au petit matin. J’aurais pu dire les Chinois qui se déplaçaient à pied, toujours trois par trois (Il fallait bien qu’il en eut deux pour témoigner de ce que faisait le troisième ! J’aurais pu dire les jeunes congolais qui arrêtaient nos voitures, le soir, quand nous allions dîner chez des amis : Ils se terraient dans le fossé et pointaient leurs kalachnikovs sur notre nombril en nous réclamant « vos papiers ! », je commençais toujours par écarter le canon de la mitraillette, puis je tendais des papiers, que le milicien lisait parfois à l’envers. Je pourrais dire les deux mitraillettes pointées sur ma poitrine pendant que j’assurais mon émission hebdomadaire au micro de Radio Brazzaville ! Je pourrais parler des deux sentinelles, gardiens de notre immeuble : Ils montaient la garde toute la nuit au pied des escaliers, armés en tout et pour tout … Chacun d’une lance ! Je devrais dire les camions qui passaient tout au long des avenues pour « ramasser » les mendiants et les « suspects », chaque fois qu’un visiteur de haut rang arrivait  dans la capitale : Les « ramassés », on les « mettait à l’abri » pour qu’ils ne puissent être vus. Je devrais dire la chasse à l’homme qui aboutit à abattre un certain Diawara, opposant au régime en place, et l’exposition de son corps  dans le stade de foot ball.
Je devrais dire les administrations au sein desquelles j’étais censé travailler et dont les locaux restaient désespérément vides à longueur de journée, chacun ayant mieux à faire que d’y occuper son siège … Mais tout cela ne m’amènerait qu’à justifier ma décision de quitter le Congo au plus vite : En échange, on me proposa un poste intéressant à Madagascar … Joie ! … Mais c’était au moment, juste, où un coup d’état faisait tomber le Président Tsiranana : Je ne partis pas à Madagascar, c’est le grand regret de ma vie ! Je fus nommé à Vientiane, capitale du Laos, où l’on m’assura qu’il y avait un lycée français dans lequel je pourrais scolariser mes enfants … Las, au moment de mon arrivée là-bas, la langue française disparaissait des établissements laotiens ! Il me fallut scolariser mes enfants à la maison !

J’aurais pu parler de la Suisse, peut-être, et de ses merveilles du côté d’Interlaken ? mais mes excursion là bas sont tellement anciennes ! Cela ne fait rien, j’ai beaucoup aimé la Suisse, ses montagnes et ses prairies, ses lacs et ses torrents …

J’aurais pu, j’aurais dû parler du Japon, mais à dire le vrai, je ne suis allé qu’à Tokyo, la capitale, invité par l’Université de Tokyo qui célébrait le cent cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon et organisait une grande exposition dont mon arrière grand père était l’un des héros pour avoir été l’un des botanistes majeurs de ce pays, au temps où les Européens posaient pour la première fois le pied dans le pays … J’ai aimé Tokyo, ses foules des piétons affairés, courant sans cesse, toujours bien habillés, courtois … J’ai bien apprécié la courtoisie des Japonais et des Japonaises, et j’ai bien aimé leurs jardins, leurs parcs, leurs toriis et leurs temples. Je n’ai pas détesté, peut-être à cause de leurs jardins … Je n’ai pas détesté leurs immeubles « gratte-ciel ». J’ai bien aimé la spiritualité qui les imprègne,  teintée de respect et de mysticisme … J’ai beaucoup moins apprécié leurs « sushis » de poisson cru, mais il faut y avoir goûté.

Je voudrais retourner au Japon et visiter les capitales déchues, parcourir les campagnes, prendre le bain traditionnel dans les « ryokan » et dormir dans les auberges du cru. On ne croise plus guère de Geishas, mais on y trouve, peut-être, un genre de sérénité …

Je reviendrai au Japon !





MES ESCALES :




Il n’est point vrai que tous les aéroports du monde se ressemblent, même s’il y a des analogies !  Mes escales ? En vrac :

Paris Orly, Paris Roissy, Toulouse Blagnac, Bordeaux Mérignac, Marseille Marignane, Clermont-Ferrand, La Rochelle, Grenoble …

Nouméa, Port-Vila, Suva, Papeete, Los Angeles, San Francisco, Montréal, New York, Chicago, Londres Gatwick, Londres Heathrow, Oslo, HawaÏ, Dubaï, Dharan, Djibouti, Victoria des Seychelles, St. Denis de la Réunion, Séville, Alger, Santiago du Chili, Puerto Montt, Punta Arenas, Athènes, Tel-Aviv,Téhéran, Singapour, Tokyo, Francfort, Rome, Bangkok, Abou Dhabi, l’Île de Pâques, karachi, Douala, Rangiroa, Mangareva, Hao, Mururoa, Aniwa,, Anatom, Tanna, Huahine, Bora-Bora, Maupiti, Makemo,  St. Denis de la Réunion ………..  J’en oublie, très certainement et je ne sais vers quelles escales encore je partirai peut-être, avant, un jour, que ne finisse ma course … Vaine ? 



















TESTAMENT


Puisqu'il faudra bien enfin partir
J'aimerais, de la terrasse d'un café
Voir venir aux portes de l'église
Le corbillard et le cheval empanachés

Un mouchoir ... Qui était-ce ?
Je bois à votre santé.

Je vous laisse ...
Ce que j'ai de plus précieux
La cétoine qui dort
Au coeur de la rose

Je vous en prie
Donnez-lui l'envol ...


Les îles dérivent
Chacune de son côté
Je vous offre l'effluve
De la vanille sous le vent
La mer qui scintille
D'un milliard d'écailles

La vanille ! ...


Je vous laisse mes deux bassets anglo-normands
Le premier se nomme Anatole
L'autre Gédéon
Je sais que vous en prendrez soin

Je vous laisse aussi
Mon bonnet de marin


Buvez, aux confins de l'île Inutile
En mémoire de moi
Un alcool hors d'âge
Sur un glaçon millénaire
Cul sec !
Rejoignez- moi ensuite
Sur une plage de l'île Anonyme


Je vous laisse
Sur une branche de pin
Une nichée de verdiers
Caudales jaune d'or
Le pic épeiche à nuque rouge
Grimpant le long d'un fil à plomb
Laisser les voler !

Alouette hausse-col, traquet rieur
La mésange lulu ou sa cousine à moustaches noires
Le bruant fou, le bruant zizi !
La fauvette à lunettes, le pouillot à grands sourcils
fauvette grisette, fauvette masquée
Le merle bleu, le rossignol philomèle
. .. Ah ! Le rossignol philomèle !

Je laisse à qui le rêvera
Mon jardin tout entier
Et des noms d'oiseaux par milliers
Ne cherchez pas à les voir
Ils sont beaucoup plus beaux ainsi !

Le bécasseau cocorli
Le grèbe castagneux
Le tourne-pierres, le chevalier cul-blanc !
Et puis le chevalier gambette
Le fuligule milouin, et son cousin milouinan
Le courlis corlieu, le phalarope
... Ah ! Le phalarope à bec étroit !


Je vous lègue, je le sais
Plus de mots que de choses
Mais c'est avec les mots qu'on fait les choses ...


Je vous donne le vent et la vague
Les ruisseaux, les torrents
L'averse, l'orage
La neige et la glace ...

Mais n'allez surtout pas
Couper les fleurs de mon jardin !

CODICILE


Lorsque je reviendrai
Car je reviendrai
Je ferai sur la place de la ville
Tourner un carrousel à deux étages
Aux couleurs de Blanche-Neige
Matin après-midi
Le soir et toute la nuit

Tournez manège
Au son de l'orgue de Barbarie
Pour les petits enfants

Une seconde vie tout entière
Pour faire monter et descendre les chevaux
Virer les toupies
Rouler les autos

Attrapez la queue du Mickey !

Je voudrais
Matin après-midi
Le soir et la nuit tout entière
Entendre chanter des gamins
Qui ne vieilliraient jamais

Cela pourrait durer toute une éternité.

                                                                  *




« MAIS CETTE FOIS, JE FIS PROMESSE SOLENNELLE À DIEU - EXALTÉ SOIT-IL - DE NE PLUS JAMAIS VOYAGER, QUE CE FÛT SUR MER OU SUR TERRE APRÈS CE SEPTIÈME VOYAGE, QUI AVAIT ÉTÉ LE PLUS PRODIGIEUX DE TOUS ET AVAIT APAISÉ MA PASSION DE TOUJOURS REPARTIR … »


« Mais l’aube venait reprendre Shahrâzâd, parler n’était plus permis : elle se tut. »  Les Mille et Une Nuits).






(LES MILLE ET UNE NUITS : SINDBAD DE LA MER ET LA CITÉ DE CUIVRE – COLLECTION LA PLEIADE – ÉDITIONS GALLIMARD)

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